Après avoir reçu sa part de doses du vaccin contre le paludisme, le Burkina Faso a officiellement introduit le RTS,S dans son programme élargi de vaccination le 05 février 2024. Que sait-on du nouveau vaccin antipaludique RTS,S/AS01 (RTS,S) ? Réponses dans cette fiche d’information.
Un vaccin en gestation depuis plus de 50 ans…
Le RTS,S/AS01 ou Mosquirix est le premier vaccin antipaludique recommandé par l’Organisation mondiale de la santé pour les enfants d’au moins 05 mois et son développement a suivi toutes les 4 étapes scientifiques.
Le Dr Hermann Sorgho, parasitologue, chercheur au Centre national de la recherche scientifique et technologique (CNRST) et qui travaille sur le développement de vaccins depuis quinze ans, a déclaré à Fasocheck que l’idée de la création de ce vaccin contre le paludisme a débuté en 1967, avec la chercheuse américaine Ruth Nussenzweig. Elle a été la première à démontrer, que l’inoculation de sporozoïtes irradiés (parasite du paludisme à l’état originel injecté par le moustique) chez les souris conférait une protection contre l’infection palustre. Les mêmes effets ont été plus tard confirmés chez l’homme en 1973 par David Clyde un chercheur américain de l’Institut de recherche de l’armée Walter Reed. Mais cette approche a tout de suite montré des limites liées aux capacités financières et surtout technologiques de l’époque. “Le fait que l’organisme humain ne reconnait pas assez bien le parasite du paludisme (le sporozoïte irradié) pour produire une réponse immunitaire” rendait la production en masse de ce candidat vaccin impossible, souligne le Dr Hermann Sorgho.
C’est ainsi qu’en 1985, pour “tromper l’organisme” et faciliter des réactions immunitaires, Joe Cohen, chercheur belge en collaboration avec la firme pharmaceutique britannique GlaxoSmithKline (GSK), a “fusionné l’enveloppe du virus de l’Hépatite B, dont le vaccin existait déjà, à l’enveloppe du parasite du paludisme”. Le RTS,S venait d’être inventé, mais pas plus, par manque de financement. Jusque-là, on en était qu’à la phase 1 du processus, c’est-à-dire à l’identification du candidat vaccin et aux premiers tests sur un petit nombre de cobayes américains et belges, a expliqué le Dr Sorgho.
Sur la base de cette découverte, tous les essais cliniques de phase 2 et 3 ont été effectués ans sept pays d’Afrique où le paludisme sévit le plus, y compris au Burkina Faso. La phase 2 des essais cliniques consiste à inoculer le candidat vaccin ou remède à un nombre très réduit de 10 à 40 personnes afin de déterminer l’efficacité du produit, sa posologie et sa voie d’admission optimales. Elle dure en moyenne deux ans. La phase 3 elle, qui concerne plusieurs de centaines de cobayes et qui va jusqu’à un an, vise à étudier le rapport bénéfice/risque, et à comparer le produit avec d’autres traitements ou vaccins s’ils existent. Les délais sont susceptibles d’être rallongés ou raccourcis selon que les résultats sont concluants ou pas, nuance le Dr Sorgho. Et dans le cadre du RTS,S entre 2009 et 2011 “le candidat vaccin a été exposé à 16 mille enfants” a-t-il ajouté. Cette phase 3 a été “rendue possible grâce à la fondation Bill & Melinda Gates qui a décidé d’injecter de l’argent pour finaliser le vaccin, après que firme pharmaceutique britannique GlaxoSmithKline (GSK) a abandonné le développement du RTS,S faute de moyens “.
Les résultats de ces essais cliniques de phases 3 ont montré que “ trois doses de RTS,S/AS01e, administrées à un mois d’intervalle, et suivies d’une dose de rappel 18 mois plus tard, permettent de protéger les enfants et les nourrissons contre le paludisme clinique pendant au moins trois ans après la première vaccination ” explique Gavi dans une fiche d’information. Gavi est l’organisation mondiale chargée de la distribution des vaccins dans le monde.
Se fondant sur les résultats de cette phase pilote, l’Organisation mondiale de la Santé a recommandé, en octobre 2023, l’utilisation généralisée du vaccin antipaludique RTS,S/AS01 chez les enfants en Afrique subsaharienne et dans d’autres régions où sévit le paludisme.
Quelle est l’efficacité du RTS,S ?
Le vaccin RTS,S administré à près de 2 millions d’enfants dans trois pays depuis 2019, a démontré une baisse significative des hospitalisations pour paludisme grave et une réduction de la mortalité de 13 % chez les enfants de la tranche d’âge éligible à la vaccination, selon l’Alliance Gavi.
Au cours de l’essai clinique de phase 3 ayant touché environ 16 000 enfants dans 7 pays d’Afrique subsaharienne, le vaccin a permis d’éviter 39 % des cas de paludisme et 29 % des cas paludisme grave chez les enfants de 5 à 17 mois ayant eu 4 doses de RTS,S et 29% des cas de paludisme grave. Le vaccin a aussi fait baisser de 29 % les besoins de transfusions sanguines requises pour traiter les cas d’anémie potentiellement mortelle dus au paludisme.
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Dans une mise au point publiée en janvier 2024, l’OMS a indiqué que le vaccin RTS,S “prévient environ 75 %” des infections palustres lorsqu’il est administré de manière saisonnière dans les zones fortement touchées et où la chimio prévention du paludisme est assurée. Selon l’OMS, la chimio prévention préventive contre le paludisme “consiste à utiliser des médicaments, seuls ou en association, pour prévenir l’infection palustre et ses conséquences. Il s’agit d’administrer un traitement complet d’un médicament antipaludique aux populations vulnérables à des moments précis de la période où le risque de paludisme est le plus élevé, que le bénéficiaire soit ou non infecté par le paludisme”.
L’inoculation du vaccin n’exclu pas l’utilisation d’autres méthodes de prévention du paludisme comme les moustiquaires imprégnées et les insecticides. D’ailleurs, le RTS,S est plus efficace contre le plasmodium falciparum, le parasite du paludisme qui sévit le plus en Afrique et au Burkina Faso, précise l’OMS. Il y a quatre autres espèces de plasmodium : le plasmodium ovale, le plasmodium malariae, plasmodium vivax et le plasmodium knowlesi.
Quels effets secondaires ?
Les effets secondaires du vaccin RTS,S signalés par l’OMS lors des phases d’essais sont entre autres des douleurs, de la fièvre, une tuméfaction au point d’injection. L’organisation a souligné un risque de “convulsions fébriles dans les sept jours suivant l’administration” chez des enfants. Mais, rassure l’organisation, ces derniers “ont complètement guéri et n’ont pas gardé de séquelles à long terme”.
L’Afrique, première victime, première bénéficiaire du vaccin
L’Afrique est le principal continent où le vaccin RTS,S sera distribué. Ce sont au total 18 millions de doses du RTS,S qui seront distribuées à douze pays africains. La raison est que selon l’OMS, le continent la grande majorité des cas de paludisme et des décès liés à la maladie. L’organisation renseigne que 94 % des cas de paludisme (233 millions) et 95 % des décès dus à la maladie (580 000) y ont été enregistrés, dont 80% des décès sont les enfants de moins de cinq ans.
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En 2022, toujours d’après l’OMS, presque la moitié de tous les décès dus au paludisme dans le monde se concentrait dans 4 pays de l’Afrique subsaharienne dont le Nigéria (31,1 %), la République démocratique du Congo (12,3 %), le Niger (5,6 %) et la Tanzanie (4,4 %).
Le Burkina lance sa campagne de vaccination contre le paludisme
Sur un besoin estimé à 3 680 000 de doses de ce vaccin, le Burkina Faso, après en avoir reçu 878 000, a entamé le 05 février 2024 sa campagne de vaccination contre le paludisme. Financée par le budget de l’Etat et d’autres organisations telles que l’OMS, Gavi, l’Unicef, l’Usaid, et le Centers for Disease Control and Prevention (la principale agence fédérale des États-Unis en matière de protection de la santé publique) cette campagne coûtera environ 10,16 milliards de FCFA.
Cette première phase de l’introduction du vaccin RTS,S va concerner approximativement 218 000 enfants de 5 à 23 mois avec un total de 04 doses de vaccin par sujet. Vingt-sept districts sanitaires des régions des Cascades, du Centre-est, du Centre-ouest, du Centre-sud, de l’Est, du Sahel et du Sud-ouest sont concernés par la campagne.
En 2022, le nombre de cas de paludisme notifiés est de 11 656 675 contre 4 243 décès, dont près d’un tiers sont des enfants de moins de 5 ans, selon l’annuaire statistique du ministère de la Santé.
Tiomité Da
Fasocheck