Presqu’invisibles dans les actualités médiatiques au Burkina Faso, les femmes sont désormais victimes des faux narratifs qui tendent à ruiner les acquis engrangés en matière d’égalité des droits. Après avoir initié les femmes journalistes au fact-checking, Fasocheck en partenariat avec le NDI, renforce les capacités des organisations féminines à barrer la route au faux.
Ce sont des résultats qui leur ont fait tomber à la renverse. Les femmes constituent moins de 20% (ndlr : chiffre d’un exercice de monitoring sur le genre d’une parution de trois quotidiens burkinabè) de l’ensemble des personnes évoquées dans les actualités traitées par la presse quotidienne nationale burkinabè. « Je n’y avais jamais pensé ; je n’avais jamais lu les journaux avec pareille grille de lecture. C’est choquant », avoue Anasthasie Sawadogo, présidente d’une association de promotion des droits des enfants.
Avec une vingtaine de ses pairs, elle a pris part à l’atelier consacré à la désinformation articulée au genre, animé par Fasocheck, du 17 au 19 avril 2024, à Ouagadougou.
Jusque-là aucune d’entre elles ne s’était aperçue d’un tel déséquilibre. L’exercice de monitoring genre du contenu des médias leur a ouvert les yeux et l’esprit sur comment les médias participent à la construction et au maintien des relations inégalitaires entre les hommes et les femmes par leur intervention dans l’espace public.
Dans la narration des événements et dans le choix des sujets et des intervenants à rendre visibles et à mettre à l’ordre du jour, les médias ne sont pas neutres, font observer Boureima Salouka et le Dr Ousmane Paré, les animateurs de l’atelier. Les impératifs de production, l’exigence de rentabilité économique et la culture masculine dominante de la profession de journaliste sont entre autres des facteurs explicatifs de la faible représentativité des femmes et de leur représentation étriquée dans les nouvelles.
Menace sur les droits des femmes
La situation peu reluisante des femmes dans les contenus médiatiques est rendue encore plus exécrable avec la désinformation. « La représentation stéréotypée des femmes dans les médias n’est plus en soi un fait nouveau. Mais articulée à la désinformation, elle prend des proportions inquiétantes qui à termes peuvent saper les acquis engrangés pour l’égalité, pour le droit des femmes à l’éducation, à l’accès au travail, à la santé ou encore à la gestion de la chose publique », soutient Boureima Salouka.
La désinformation entendue comme une fausse information fabriquée et diffusée dans l’intention de nuire, explique le Dr Ousmane Paré, a pour conséquences dommageables la perte de confiance des citoyens aux institutions républicaines en promouvant des modèles sociétaux peu favorables à la pluralité, aux droits et à l’égalité.
Les narratifs désinformationnels portés à l’endroit des femmes sur les réseaux sociaux, Facebook et notamment TikTok, ont tendance à véhiculer des propos de haine et stigmatisant, ont déploré les participantes lors des débats en plénière.
Par ailleurs, ont expliqué les formateurs, l’avènement des réseaux sociaux a amplifié la diffusion et la consommation de prétendus remèdes qui pourtant ne font que ruiner la santé des femmes.
Evaluation des risques
La formation n’a pas été que théorique. Par groupe de travail thématique, les participantes ont dressé un diagnostic situationnel des risques de désinformation auxquels leurs structures sont exposées et à en identifier des mesures de mitigation. Cet exercice inédit a permis à Lady Stand Up, une association qui œuvre au profit de la scolarisation des enfants vulnérables à Bobo-Dioulasso, d’identifier l’arc narratif de « l’exploitation de la misère d’autrui pour se remplir les poches » comme un risque majeur.
« Face à ces risques de faux narratifs potentiellement nuisibles pour nos actions, nous envisageons très prochainement de communiquer sur les missions de notre organisation et d’engager le dialogue avec la communauté pour laquelle nous travaillons », a déclaré Lidwine Ouattara, la secrétaire générale de l’organisation.
L’évaluation de l’exposition à la désinformation de ces organisations ouvre la voie à une collaboration future avec Fasocheck. Le principal organisme de développement médias spécialisé sur la désinformation au Sahel s’engage à les accompagner dans le développement de leur stratégie médiatique.
« Nous avons été sensibilisées au fact-checking et avons bénéficié d’astuces sur comment collaborer avec les organismes de fact-checking et avec les médias classiques pour ne pas être nous-mêmes des usines à fakes et desservir la cause des femmes » ; s’est réjouie Valérie Ouoba.
Ensemble, nous pouvons lutter contre la désinformation et promouvoir l’égalité des genres.