Au Burkina Faso, le paludisme est une menace majeure pour la santé publique, avec plus de 10 millions de cas confirmés en 2023 selon les statistiques officielles. Ce mal, bien que ravageur, demeure encore assez méconnu. Certaines croyances populaires l’associent par exemple, soit à une maladie saisonnière et liée à la saison des pluies, soit à conséquence d’une mauvaise alimentation. Au-delà des idées reçues, qu’est-ce que le paludisme réellement ? Quelles sont les causes de la maladie, les pays les plus touchés, les traitements disponibles ? Fasocheck tente d’y répondre à travers cette fiche d’information. Cet article a été écrit à partir de données publiques, sur la base des connaissances scientifiques du moment.
Qu’est-ce que le paludisme ?
Contrairement à certaines croyances, « le paludisme n’est pas contagieux et ne peut pas se transmettre d’une personne à une autre ; il est transmis par les piqûres d’anophèles femelles » rassure d’emblée l’Organisation mondiale de la Santé qui définit la maladie comme une maladie fébrile aiguë, causée par le Plasmodium, un parasite qui se transmet aux êtres humains par les piqûres de moustiques anophèles femelles infectées.
L’organisation ajoute qu’il existe plus de 400 espèces de moustiques anophèles dans le monde, mais seulement 40 d’entre elles sont des vecteurs capables de transmettre le paludisme.
Au Burkina Faso, trois principales espèces de moustiques sont responsables de la transmission du paludisme, renseigne le Dr Hermann Sorgho, Maître de Recherche et Parasitologue à l’Unité de Recherche Clinique de Nanoro. Ce sont l’Anopheles gambiae, l’Anopheles funestus, et l’Anopheles arabiensis, auxquelles s’ajoutent Anopheles nilii.
« Il existe aussi plus de 120 espèces de Plasmodium », mais seulement cinq sont responsables du paludisme chez l’humain poursuit-il. Parmi elles, Plasmodium falciparum et Plasmodium vivax sont particulièrement dangereuses, comme le confirme l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Les trois autres espèces sont Plasmodium ovale, Plasmodium malariae et Plasmodium knowlesi.
Au Burkina Faso, Plasmodium falciparum est le parasite le plus répandu, et est responsable de plus de 90% des cas de paludisme, notamment de formes graves et mortelles, indique un rapport du ministère de la Santé publié en janvier 2024. Ce rapport renseigne sur les obstacles qui entravent l’accès et l’utilisation des méthodes de prévention du paludisme au Burkina Faso. Les deux autres parasites causant le paludisme au Burkina Faso sont Plasmodium ovale et Plasmodium malariae.
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Comment le parasite agresse-t-il le système immunitaire ?
À l’opposé d’une idée reçue, l’anophèle femelle, qui se nourrit de sang chaud, ne pique pas exclusivement les hommes. Elle n’a pas non plus pour but de transmettre le parasite responsable du paludisme, prévient le Dr Hermann Sorgho. Elle le fait « parce qu’elle a besoin de sang pour la maturation de ses œufs, car le sang contient beaucoup de protéines, dont le moustique a besoin ».
Lors de la piqûre, le moustique ingère à la fois les protéines et les parasites sanguins qui continuent leur développement au sein du moustique pendant 21 à 30 jours. Arrivés à maturation, ces parasites sont à nouveau transmis à un autre individu au cours de la prochaine piqûre, propageant ainsi des maladies comme le paludisme.
Le parasite du paludisme n’attaque pas directement le système immunitaire comme le fait par exemple le virus du VIH, mais se multiplie dans les globules rouges, provoquant leur destruction. Chaque 48 à 72 heures, une nouvelle génération de parasites émerge, entraînant une destruction massive des globules rouges, et c’est cette dégradation qui rend malade. Le système immunitaire tente de lutter contre cette invasion, mais le parasite a développé une stratégie pour éviter d’être éliminé. explique le parasitologue.
Pour échapper à la rate, où les globules rouges infectés sont normalement éliminés, le plasmodium sécrète des molécules permettant aux globules rouges parasités de se fixer aux parois des petits vaisseaux sanguins. Cela bloque la circulation sanguine et peut causer des complications graves, comme le paludisme cérébral, en perturbant l’oxygénation du cerveau et d’autres organes.
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Types et symptômes du paludisme
Il y a deux formes de paludisme : le paludisme simple et le paludisme grave. Les premiers symptômes les plus courants du paludisme sont la fièvre, les maux de tête, des douleurs musculaires, des courbatures, la faiblesse articulaire et les frissons. Ils apparaissent « généralement dans les 10 à 15 jours après la piqûre d’un moustique infecté. Ils peuvent être bénins pour certaines personnes, notamment celles qui ont déjà eu une infection palustre » nuance l’OMS.
Le paludisme grave quant à lui se manifeste par des symptômes plus sévères tels qu’une fatigue extrême, des troubles de la conscience, des convulsions répétées, des difficultés respiratoires, des urines foncées, du sang dans les urines, un ictère (jaunissement des yeux et de la peau), et des saignements inhabituels.
Trois régions particulièrement touchées au Burkina Faso
Selon l’annuaire statistique du ministère de la santé de 2023, 10 236 792 cas confirmés de paludisme ont été enregistrés au Burkina Faso. Les régions les plus touchées sont le Centre, les Hauts-Bassins et le Centre-Est.
Régions | Cas confirmés |
Centre | 1 378 774 |
Hauts-Bassins | 1 157 238 |
Centre est | 1 092 344 |
Centre ouest | 1 082 093 |
Est | 829 456 |
Nord | 786 017 |
Boucle du Mouhoun | 701 388 |
Sud Ouest | 690 633 |
Plateau Central | 683 611 |
Centre Nord | 642 544 |
Centre Sud | 598 024 |
Cascades | 334 351 |
Sahel | 260 319 |
Total |
10 236 792 |
Source: annuaire statistique du ministère de la Santé 2023
Qui sont les personnes les plus à risque et pourquoi ?
Selon une fiche d’information de l’OMS publiée en décembre 2023, les personnes les plus vulnérables face au paludisme sont les enfants de 0 à 5 ans, car n’ayant pas encore acquis un système immunitaire assez robuste. Viennent ensuite les femmes enceintes, en raison de la diminution naturelle de leur immunité pendant la grossesse.
Il y a aussi les personnes immunologiquement naïves (comme celles qui n’ont jamais été exposées au paludisme) et les personnes immunodéprimées, comme celles vivant avec le VIH/SIDA ou souffrant de certains cancers. Ces derniers ayant déjà leur système immunitaire affaibli, ils sont plus vulnérables aux infections parasitaires.
La moustiquaire comme seul moyen de prévention ?
La moustiquaire n’est pas le seul moyen de prévention contre le paludisme, indiquent l’OMS et un rapport du secrétariat permanent de lutte contre le paludisme au Burkina Faso.
La prévention contre le paludisme passe aussi par l’usage de produits antimoustiques et de répulsifs, les traitements préventifs prescrits par un médecin, dont la chimio prévention pour les enfants de moins de cinq ans. La chimio prévention consiste à la prise régulière de médicaments antipaludiques, afin de maintenir une faible concentration de ces médicaments dans le sang. Ainsi, lorsque qu’un moustique infecté pique une personne ayant suivi cette prévention, le parasite du paludisme qui est introduit dans le sang fera face à ces médicaments et sera neutralisé avant de pouvoir se multiplier.
Il y a enfin deux vaccins contre la maladie qui sont homologués par l’OMS : RTS,S et R21. Le vaccin RTS,S a été introduit au Burkina Faso en février 2024, ciblant les enfants de 0 à 23 mois. Le vaccin R21 sera introduit en 2025.
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Rabiatou Congo
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