Paludisme : les avancées scientifiques connues dans la lutte contre la maladie

Le paludisme reste encore aujourd’hui un problème majeur de santé publique dans plusieurs pays du monde. En 2022, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) estime à 249 millions, le nombre de personnes infectées par la maladie. Mais la recherche scientifique, portée par de nouvelles découvertes et des traitements innovants, offre de nouvelles perspectives de prévention et de lutte contre cette maladie. Quelles sont les dernières avancées scientifiques dans la lutte contre le paludisme ? Quelles sont les nouvelles méthodes de prévention et de traitement ? A travers, cette fiche d’information, Fasocheck apporte quelques réponses factuelles.

 

L’efficacité des vaccins RTS,S et R21 prouvée

 

L’une des avancées notables dans la lutte contre le paludisme a été observée ces dernières années dans la recherche du vaccin. A ce jour, deux vaccins contre le paludisme existent. Le « RTS, S » est le premier vaccin recommandé par l’Organisation mondiale de santé (OMS) depuis 2016. Après 5 ans (2009-2014) de développement et de tests auprès des enfants de 5 à 17 mois dans sept pays subsahariens, dont le Burkina Faso, ce vaccin a été administré en phase pilote au Ghana, au Kenya, et au Malawi et a montré une efficacité de 30 à 60%. Inoculé à plus de 1,5 millions d’enfants depuis 2019, le RTS, S a permis d’éviter « 39% de paludisme pendant 4 années de suivi et environ 29 % de paludisme grave », selon l’OMS. Le Burkina Faso  l’a intégré dans son programme de vaccination le 5 février 2024, devenant le deuxième pays à adopter ce vaccin hors phase pilote, après le Cameroun.

Le vaccin RTS,S a été développé par des chercheurs de l’entreprise pharmaceutique britannique GlaxoSmithKline (GSK). 

Le second vaccin, « R21/Matrix-M », a été recommandé par l’OMS en octobre 2023. Ce vaccin avait préalablement obtenu une homologation de l’agence nationale de régulation des produits pharmaceutiques du Burkina Faso le 24 juillet 2023. Les essais cliniques, en cours depuis 2021 et prenant fin en 2024 au Burkina Faso, au Kenya, au Mali et en Tanzanie, ont révélé une efficacité de 77%, a confié à Fasocheck le Professeur Halidou Tinto, chef de l’Unité de recherche clinique de Nanoro et investigateur principal pour le Burkina Faso. Toutefois, avait nuancé le Pr Halidou Tinto, la durée d’efficacité de ce vaccin ne peut être définie qu’après 4 ans de suivi auprès des enfants vaccinés.

Le Burkina Faso, bien que ne participant pas à la production du vaccin, a joué un rôle important dans sa validation, grâce aux travaux du l’Unité de recherche clinique de Nanoro basé au Burkina, dirigé par le Pr Halidou Tinto, qui a mené tous les essais cliniques. Le centre de recherches de Nanoro a conduit « toute la partie consacrée aux essais cliniques, y compris notre participation à la finalisation du protocole de l’essai en passant par les vaccinations et le suivi des enfants », a confié Pr Halidou Tinto.

Ce projet est cofinancé par le Serum Institute of India (SII), la firme pharmaceutique chargée de la production et de la commercialisation du produit après l’obtention de l’autorisation de mise sur le marché, de l’Union européenne, de l’Université d’Oxford, de Gavi, l’Alliance du Vaccin,  et d’ Américaine Novavax, le fabricant du Matrix M utilisé comme adjuvant pour l’administration du vaccin.

Dans une fiche d’information publiée le 2 octobre 2023, l’OMS a indiqué qu’“au moins 28 pays d’Afrique prévoient d’introduire un vaccin antipaludique conformément aux recommandations de l’organisation dans le cadre de leurs programmes nationaux de vaccination”. 

CIS43LS  et L9LS, nouveaux espoirs contre le paludisme

 

Des chercheurs ont mis au point deux nouveaux anticorps monoclonaux, le « CIS43LS » et le « L9LS », qui pourraient révolutionner la lutte contre le paludisme. Les anticorps monoclonaux sont des protéines fabriquées en laboratoire, qui imitent la capacité du système immunitaire à combattre les agents pathogènes dangereux, tels que les virus.

Une étude  publiée en mai 2023 dans The Lancet Infectious Diseases explore l’efficacité de l’anticorps monoclonal CIS43LS pour la protection contre le paludisme. Menée à l’Université du Maryland aux Etats-Unis,  cette étude de phase 1 a démontré que CIS43LS, administré à faibles doses par voie intraveineuse ou sous-cutanée, est rassurant. Les résultats montrent une protection contre le Plasmodium falciparum, responsable du paludisme.

Une autre  étude clinique menée sur 225 enfants au Mali a démontré l’efficacité d’un autre nouvel anticorps monoclonal, le L9LS, dans la prévention du paludisme chez l’enfant. Les résultats, publiés dans le New England Journal of Medicine en avril 2024, montrent une réduction significative des infections au Plasmodium falciparum chez les enfants traités.

Moustiques génétiquement modifiés

Des chercheurs étudient aussi la possibilité de modifier de manière artificielle les gènes du moustique Anophèle femelle, vecteur du paludisme, afin de limiter sa multiplication, et ainsi, réduire la transmission de la maladie. Parmi les initiatives en cours, figure la technologie de l’impulsion génétique, développée par Target Malaria pour limiter la transmission du paludisme. Target Malaria est un projet de recherche scientifique qui développe des outils génétiques pour réduire la transmission du paludisme en modifiant les populations de moustiques.

Selon Target Malaria, “les modifications génétiques ont pour objectif de réduire le nombre de moustiques Anopheles gambiae femelles, celles qui piquent et transmettent le paludisme chez l’homme.” En juillet 2019, Target Malaria, en collaboration avec l’Institut de Recherche en Sciences de la Santé (IRSS), a procédé au premier lâcher à petite échelle de moustiques mâles stériles génétiquement modifiés dans le village de Bana, dans l’Ouest du Burkina Faso.

Moustiquaires imprégnées,  des remparts contre le paludisme

En plus des vaccins, la moustiquaire imprégnée d’insecticide constitue un outil essentiel dans la prévention du paludisme. Leur efficacité a été démontrée dès 1983 au Burkina Faso, selon Robert Vincent, chercheur en entomologie médicale et en parasitologie. Des données de l’OMS publiées en juin 2022 rapportent que plus de 2 milliards de moustiquaires imprégnées ont été distribuées dans les pays où le paludisme est endémique depuis 2000.

La moustiquaire imprégnée d’insecticide (MII) est une moustiquaire qui repousse, désactive et/ou tue les moustiques qui entrent en contact avec elle. Il existe deux catégories de MII : les moustiquaires imprégnées de façon conventionnelle et les moustiquaires imprégnées d’insecticide à longue durée d’action.

La moustiquaire imprégnée de façon conventionnelle est une moustiquaire imprégnée par trempage dans un insecticide nécessitant une réimprégnation après trois lavages ou une fois par an pour un effet continu.

La moustiquaire imprégnée à longue durée d’action (MILD ou MILDA), quant à elle, est une moustiquaire dans laquelle l’insecticide est incorporé ou lié autour des fibres. Il reste efficace pendant longtemps, même après plusieurs lavages . L’OMS  précise que “cette moustiquaire doit rester biologiquement efficace sans nécessiter de réimprégnation, même après 20 lavages standards en laboratoire, et durant les trois années d’utilisation prévues”.

L’institution préconise également la Pulvérisation intra-domiciliaire à effet rémanent (PIR), qui consiste à appliquer des insecticides à action prolongée sur les surfaces intérieures des habitations et des abris pour éliminer les moustiques adultes. 

Des lieux publics peuvent aussi être pulvérisés. Au Burkina Faso, le gouvernement a officiellement lancé le 11 juin 2024, à Ouagadougou,  une campagne nationale de lutte anti-larvaire pour combattre le paludisme et la dengue.

 

Dô DAO

Email : dodao@fasocheck.org

X (Twitter) :  @DaondorolaDo

 

Poursuivre la lecture sur le paludisme :

# Pas de lien entre l’épidémie de dengue, de paludisme et les dispositifs expérimentaux à Bama

# Paludisme : R21/Matrix et RTS,S, les deux seuls vaccins recommandés par l’OMS

# Le Burkina Faso 3ème pays où le paludisme tue le plus en Afrique ? vrai jusqu’en 2020

# Chikungunya :  carte d’identité d’une maladie méconnue

 

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