Paludisme, attention aux recettes miracles sur les réseaux sociaux

Le paludisme est un fléau qui sévit dans de nombreuses régions du monde, notamment en Afrique. Face à cette maladie, les remèdes à base de plantes comme l’Artemisia, feuilles d’acacia et de manguier, l’oignon et le cola sont vantés sur les réseaux sociaux comme des solutions miracles. Mais ces affirmations sont-elles fondées ? Qu’en est-il réellement ? Dans cette fiche d’information, Fasocheck apporte des éléments de réponse.

 

Artemisia, propriétés antipaludiques avérées

Selon le Docteur Yerbanga Rakiswendé Serge, chercheur senior spécialisé en pharmacognosie, l’Artemisia produit l’artémisinine, une molécule qui élimine le parasite plasmodium falciparum à l’origine de la forme la plus mortelle de paludisme chez l’homme.  

Soutenue par le programme national chinois, une étude publiée en 2006 a révélé que l’Artemisia annua contient entre 1,06% et 1,26% d’artémisinine, confirmant ainsi son importance dans la composition des combinaisons thérapeutiques à base d’artémisinine.

Cependant, a ajouté le Docteur Yerbanga, l’infusion d’Artemisia contient plus que de l’artémisinine. D’autres substances naturelles agissent en synergie, renforçant son efficacité et retardant l’apparition de résistances. « Quand vous faites la purification pour pouvoir enlever l’artémisinine, c’est uniquement l’artémisinine que vous enlevez et que vous mettez dans ce qu’on appelle nos médicaments modernes », a-t-il détaillé. L’infusion de la plante contient plusieurs molécules, tandis que la molécule moderne n’en contient qu’une seule.

Selon les explications du Docteur Yerbanga, la production d’artémisinine dépend de l’agression subie par la plante, car dans une région où l’agression est faible, l’extrait contiendra moins d’artémisinine. En revanche, plus l’agression est forte, plus la plante produira d’artémisinine. L’agression d’une plante fait référence aux attaques ou aux stress qu’elle subit de la part de divers agents biotiques (insectes, champignons, bactéries, et virus) ou abiotiques (conditions climatiques extrêmes, pollution, et blessures mécaniques).

Le spécialiste en pharmacognosie a précisé qu’une décoction peut entraîner un sous-dosage ou un surdosage du principe actif, ce qui peut soit rendre le traitement inefficace, soit provoquer des intoxications dues au degré d’agression de la plante.

Il a mis en garde contre les risques liés à l’utilisation de plantes médicinales cultivées dans des sols contaminés par les pesticides. Ces derniers peuvent être absorbés par les plantes et accumulant des substances toxiques. « Il faudrait aménager des jardins botaniques, similaires à ceux que l’on trouve en Inde, afin de mener des recherches approfondies sur ces plantes et d’en assurer une production de qualité », a-t-il préconisé.

 

Oignon, acacia, cola et manguier, des remèdes antipaludiques « limités »

 

Bien que l’oignon, le cola, les feuilles de manguier et d’acacia soient utilisés dans la pharmacopée traditionnelle contre le paludisme, leur efficacité est limitée selon le chercheur sénior en pharmacognosie. Pour lui, ces plantes peuvent soulager certains symptômes du paludisme comme la fièvre, les douleurs, les vomissements mais elles n’agissent pas directement sur le parasite.

Le potassium, présent dans l’oignon, est généralement recommandé pour les personnes ayant des problèmes cardiaques, car il aide à réguler les problèmes cardiovasculaires, confie le Dr Yerbanga. « Cela signifie que l’oignon peut être utilisé pour soulager les symptômes du paludisme, mais pas pour attaquer directement le parasite », a-t-il avancé. Mais, nuance-t-il, “il n’y a pas actuellement d’études qui démontrent que quand vous pressez par exemple l’oignon, vous le mettez en contact directement avec le parasite, il va mourir.”

Son postulat est le même concernant la caféine présente dans la cola, le chocolat, le thé et le café, qui est un stimulant pouvant aider l’organisme à combattre les symptômes du paludisme.

Interrogé sur l’efficacité de ces plantes contre le paludisme, Philippe Béogo, phytothérapeute et secrétaire général de la Fédération nationale des associations des praticiens de la médecine traditionnelle du Burkina (FENAPRA), s’est montré sceptique quant à l’utilisation de l’oignon, de la cola, des feuilles de manguier et d’acacia. Il a souligné que ces plantes, étant des espèces introduites au Burkina Faso, n’avaient pas été suffisamment étudiées localement. Béogo plaide en faveur d’une utilisation privilégiée des plantes locales du Burkina Faso, dont les propriétés médicinales sont mieux documentées et adaptées au contexte local. Il insiste sur la nécessité de mener des analyses en laboratoire pour évaluer les propriétés thérapeutiques et la sécurité d’utilisation des plantes médicinales, qu’elles soient locales ou importées.

 

Des plantes aux médicaments, une rigueur scientifique s’impose

 

Le secrétaire générale de la FENAPRA a encouragé la population à consulter directement les Tradipraticiens de santé (TPS), reconnus par le ministère de la santé, que de se fier aux « recettes diffusées sur les réseaux sociaux par des gens en quête d’argent ». « Toutes ces personnes ne sont pas enregistrées dans le répertoire national des acteurs de la médecine traditionnelle. Nous ne les reconnaissons pas », a souligné Philippe Beogo.

Le Docteur Yerbanga a ajouté pour sa part que les traitements conventionnels et les remèdes traditionnels sont complémentaires, à condition de mener des études approfondies pour établir une posologie d’utilisation.

Toutefois, il a conseillé de ne pas associer la prise simultanée de médicaments traditionnels et modernes, afin de permettre à chaque traitement d’être absorbé correctement. Sinon, cela pourrait créer soit une synergie, soit des antagonismes, ou encore une addition des propriétés de chaque médicament.

Lire aussi : Paludisme : 4 fausses idées sur le vaccin RTS,S

Ces précautions étant prises, il convient de souligner les avancées réalisées dans le domaine de la médecine traditionnelle, avec l’homologation de deux nouveaux médicaments antipaludiques au Burkina Faso. Il s’agit de l’Appalucide, développé par l’Agence pour la promotion de la médecine traditionnelle, et le N’DRIBALA, mis au point par les laboratoires Phytofla, selon Hamadi Konfé, conseiller de santé à la direction de la médecine traditionnelle et alternative.

 

 Fact-checker: Dô DAO

Email: dodao@fasocheck.org

X (Twitter) :  @DaondorolaDo

 

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