« Moins de 30% des chercheurs dans le monde sont des femmes ». Wahabou Oubda, président du conseil consultatif national des jeunes de l’ONG Plan International Burkina Faso.
Wahabou Oubda, président du conseil consultatif national des jeunes de l’ONG Plan International Burkina Faso, déclarait sur son compte Facebook le 11 février 2022, à l’occasion de la journée internationale des femmes et des filles en science, que « moins de 30% des chercheurs dans le monde sont des femmes ». Cette déclaration intervient aussi alors que l’Unesco a décrété l’année 2022 comme année internationale des sciences fondamentales pour le développement durable.
Les femmes chercheures représentent-elles vraiment moins de 30% de l’ensemble des chercheurs dans le monde ? Fasocheck a vérifié.
D’où vient ce pourcentage de 30% ?
Contacté par Fasocheck, Wahabou Oubda confirme son propos et confie avoir puisé ces données dans un article de l’ONG Plan International intitulé « Encourager les filles à faire des études », publié le 10 février 2022. Fasocheck a consulté l’article de l’ONG Plan International qui lui-même prête le chiffre à l’UNESCO.
Selon l’UNESCO qui fonde sa définition à partir du manuel de Frascati, « les chercheurs sont les spécialistes travaillant à la conception ou à la création de nouveaux savoirs. Ils mènent des travaux de recherche en vue d’améliorer ou de mettre au point des concepts, théories, modèles, techniques, instruments, logiciels ou modes opératoires dans le cadre de projets de recherche et développement ».
Le manuel de Frascati est une référence méthodologique en matière de recueil et d’exploitation de statistiques publié par l’organisation de coopération et de développement économique (OCDE).
L’Unesco a indiqué dans un bulletin d’information publié en 2019 et relatif aux inégalités mondiales et régionales de genre dans la recherche scientifique, que la moyenne des femmes chercheures dans le monde était de 29.3%. Cette moyenne est passée à 30% en 2020. Puis en 2021, l’Unesco indiquait dans un rapport général sur la science que la « proportion des femmes chercheures dans le monde était de 33,3% », soit une progression de 3,3% par rapport à 2020.
L’institution se base sur les chiffres de son propre service de statistiques (ISU) à partir des données issues d’enquêtes nationales menées dans 107 des 193 pays membres de l’ONU.
Statistiques parcellaires
Cependant, prévient l’Unicef, deux principales insuffisances « compromettent la fiabilité » de ses chiffres. Il s’agit du manque de données statistiques pour toutes les régions du monde et l’utilisation de chiffres non actualisés par région, les données les plus récentes datant de 2018.
Même si l’insuffisance des données biaise l’estimation de la proportion mondiale des femmes chercheures, les tendances montrent qu’en matière de parité de genre dans la science, l’Europe du Sud Est (51.2%), l’Amérique Latine et les Caraïbes (49.8%) et l’Asie centrale (44.9%), comptent parmi les régions qui enregistrent le plus de femmes chercheures. L’Afrique Sub Saharienne et l’Asie du Sud Est sont les régions qui en comptent le moins avec respectivement 33.5% et 26.3%.
Les femmes chercheures en sous nombre au Burkina
En 2019, d’après le tableau de bord statistique du ministère de l’enseignement et de la recherche, le Burkina Faso dénombrait 2 272 chercheurs et enseignants chercheurs dont 389 femmes soit 17.1%, répartis dans ses 45 structures de recherche. Ces structures sont réparties en stations, centres et instituts de recherche. Les femmes, poursuit le ministère de l’enseignement supérieur, sont plus présentes dans les instituts et stations de recherche (22,1 %), les centres de recherches et les universités avec respectivement 17,2% et 14,9 %.
Les chiffres du ministère de l’enseignement et de la recherche ne sont pas désagrégés par domaine d’activité de recherche et par genre.
Cependant, Sophia Huyer, docteure en science de l’environnement et chercheure en genre et inclusion sociale faisait remarquer dans un rapport publié en 2015 sur le site de l’Unesco, que mondialement, les femmes chercheures sont beaucoup plus présentes dans la santé, les affaires sociales et l’agronomie que dans l’ingénierie.
En 2010, ajoute-t-elle, le Burkina Faso comptait 10,1% de femmes chercheures dans les sciences naturelles, 11,6% en ingénierie et technologie, 27,7% en science médicale, 17,4 % en agronomie, et enfin 35,9% en science sociale et humaine.
Conclusion
L’affirmation de Wahabou Oubda selon laquelle moins de 30% des chercheurs dans le monde sont des femmes est sous-estimée. Le chiffre exact selon l’Unesco est de 33,3%. Et même si la représentativité des femmes dans la recherche scientifique est faible par rapport à celle des hommes, les statistiques mondiales sur lesquelles se fondent l’Unesco sont des données parcellaires et non actualisées pour l’ensemble des pays membres de l’organisation des Nations Unies. Au Burkina Faso par exemple, les femmes représentaient seulement 17.1% des chercheurs au niveau nationale en 2019.
Fact-checkeuses
Bassératou Kindo
Corine Guissou
Editeurs
Boureima Salouka
Jordan Méda