Affirmation

En réaction à la décision des autorités burkinabè de nationaliser les ressources minières du pays, des patrons français d’une mine démolissent des voitures avant leur départ. K Diallo dans un tweet le 15 novembre 2022.

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Verdict
Faux ! Les véhicules détruits appartiennent à l’entreprise australienne Byrncut, un des sous-traitant de la mine de zinc de Perkoa au Burkina Faso.


Une pelleteuse détruisant des voitures à l’extérieur d’un hangar métallique. Des individus en tenue fluorescente se tenant à coté, en spectateurs. La scène, filmée, est censée se dérouler sur le site de la mine de zinc de Perkoa, au Burkina Faso. Les individus dans la vidéo seraient des cadres français de la mine de Perkoa qui, en fin de séjour, ont entrepris de détruire leur matériel roulant, en réponse à la décision du gouvernement burkinabè de nationaliser ses ressources minières. K. Diallo, l’un des relais de la vidéo sur twitter, compare la scène à l’histoire post coloniale de la Guinée de Sékou Touré, lorsque la France quittait cette ancienne colonie en 1958, après que la Guinée a voté non à la communauté française d’Afrique lors du référendum. La vidéo est apparue au moment où une partie de l’opinion publique burkinabè est contre la présence française au Burkina Faso et que des violences contre les représentations diplomatiques françaises ont été constatées.

Ces véhicules détruits appartenaient-ils à des miniers français ? Le Burkina Faso a-t-il engagé un processus de nationalisation de ses ressources minières ? Fasocheck a vérifié.

D’où vient la vidéo ?

Aucun des outils de vérification de vidéos en ligne n’a permis de situer la date et le lieu d’enregistrement de cette vidéo.

Fasocheck a contacté des ex employés de la mine de zinc de Perkoa qui ont confirmé que la scène a bel et bien été filmée sur le site de Perkoa, le samedi 12 novembre 2022.

Selon ces ex travailleurs de la mine, les véhicules détruits, déjà amortis, appartenaient à Byrncut, un sous-traitant australien de la mine de Perkoa spécialisé dans l’exploration sous terraine des mines.

Le gouvernement burkinabè a lui aussi confirmé dans son compte rendu du conseil des ministres du 16 novembre 2022, que ces véhicules, six au total au lieu de deux tel que aperçus dans la vidéo, appartenaient à Byrncut.

Cette destruction, a expliqué le gouvernement, relève de « la politique de la société en matière de gestion des véhicules hors d’usage selon les responsables de la mine ».

Trois de ces véhicules amortis, ont confié les ex travailleurs de la mine, étaient submergés dans les galeries inondées d’eau à la suite des fortes pluies survenues sur le site minier de Perkoa le 16 avril 2022.

La mine de Perkoa, située à 135 km à l’Ouest de Ouagadougou, est en procédure judiciaire de liquidation depuis le 06 octobre 2022, après que les principaux exploitants ont été condamnés le 14 septembre 2022 par la justice pour homicide involontaire, suite au décès de huit employés de la mine en avril 2022 lors d’une inondation sur le site. L’arrêt des activités de la mine suite à cet accident a précipité la faillite des actifs de la société Trevali Mining Corp au Burkina Faso.

Et jusqu’à ce qu’elle suspende ses activités en septembre 2022, la mine de Perkoa n’employait pas de cadres français, ont confié les anciens travailleurs de la mine à Fasocheck.

La mine de Zinc de Perkoa était exploitée par Nantou Mining, une entreprise de droit burkinabè, filiale de la société canadienne Trevali Mining, elle-même détenue à 20% par la multinationale suisse Glencore.

Avec une quantité totale potentielle de zinc estimée à 908 400 tonnes en 2005 puis à 665,700 tonnes en 2017, Perkoa était jusqu’à lors, l’unique mine de Zinc en exploitation au Burkina Faso. Elle a été inaugurée en 2013 elle devait être en activité jusqu’en 2025.

Qui exploite quoi au Burkina Faso ?

En 2020 au Burkina Faso, l’essentiel des compagnies minières, 9 sur un total de 13, détentrices de permis exploitaient des gisements aurifères, a indiqué la chambre des mines. Seule la mine de Perkoa exploitait un gisement de zinc.

Les mines de Tambao et de Kiéré, quant à elles produisaient du manganèse. Elles font partie des six compagnies sont à l’arrêt pour cause de litige, d’insécurité ou de faillite.

Sur les 12 sites encore en activité, sept sont détenues par les multinationales canadiennes Endeavour MiningIAMgold et Roxgold. Deux sites appartiennent au groupe turc Avesoro et deux autres au russe Nordgold. West African Ressources qui exploite la mine d’or de Boudry est de droit australien.

Compagnies Filiales Lieux Gisements
Endeavour Mining Bouéré Dohoun Gold Operations Bouéré et Dohoun (Tuy) Or
Houndé Gold Operations Hounde Or
Riversotone Karma Namissiguima (Yatenga) Or
SEMAFO Boungou Partiaga (Tapoa) Or
Wahgion Gold operations  Niankorodougou (Léraba) Or
IAM Gold IAMGOLD Essakane SA  Essakane (Oudalan) Or
Rox Gold Roxgold SANU SA Baguassi (Balé) Or
Avesoro Burkina Mining Company Youga (Boulgou) Or
Netiana Mining SA Nétiana (Nahouri) Or
Nord Gold SOMITA Taparko,Bouroum (Namentenga) Or
Bissa Gold Bissa (Bam) Or
West African Ressources SOMISA Boudry (Ganzourgou) Or

Au Burkina Faso, aucune entreprise française n’exploite de mine

Au Burkina Faso, il n’y a pas d’entreprise de droit français possédant des permis d’exploitation minière a déclaré à Fasocheck, Lamoussa Barthelemy Ouédraogo, chef de département de mise en œuvre de la norme de l’Initiative relative à la transparence des industries extractives (ITIE). La norme mondiale ITIE, lancée en 2003, vise à promouvoir une gestion transparente des ressources pétrolières, gazières et minières des pays.

Toutefois, un promoteur d’entreprise peut acquérir des actifs dans un pays sans en être originaire. Par exemple « le fait qu’une entreprise soit de droit australien ne signifie pas qu’elle appartient pour autant à un australien » a-t-il nuancé.

Le Burkina Faso est-il en train de nationaliser ses ressources minières comme l’a dit K Diallo sur Twitter ?

Selon le code minier burkinabè, « les gîtes naturels de substances minérales contenus dans le sol et le sous-sol du Burkina Faso sont, de plein droit, propriété de l’Etat».

« Le gouvernement n’a pas communiqué sur une éventuelle nationalisation des sociétés minières », a poursuivi Mahamady Ouedraogo, économiste et spécialiste des politiques publiques dans l’industrie minière.

Le poids du secteur minier dans l’économie nationale

Les principales ressources minières et minéralières en exploitation au Burkina Faso sont l’or, le zinc, l’argent, le granite, le calcaire, le basalte, le phosphate et le tuf. Seulement l’or, le zinc et l’argent sont exportés par l’industrie.

La contribution du secteur extractif à l’économie burkinabè était estimée à 16,12% du PIB en 2020, selon le rapport de l’initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE) Burkina Faso. L’industrie extractive constitue 83,9% des exportations et 14,3% des recettes de l’État, soit 237,31 milliards de francs CFA.

Avec 62,74 tonnes produites en 2020 et 1 883,76 milliards de francs CFA de recette à l’exportation l’industrie aurifère est celle qui contribue le plus aux recettes à l’exportation. Le zinc lui est à 60,75 milliards de francs CFA pour 152 540,18 tonnes produites, tandis que les 10 054,00 tonnes d’argent ont représentent 11,30 milliards de francs CFA.

Conclusion

La vidéo montrant la destruction des véhicules de la mine de Perkoa a été enregistrée au Burkina Faso sur le site de la mine de Zinc de Perkoa autour du 12 novembre 2022 ont confié d’anciens travailleurs. Ces véhicules appartenaient à Byrncut, un sous-traitant australien de la mine, qui comme le stipule ses procédures, détruit ses matériels hors d’usage. La mine de Perkoa, qui appartenait à Trévalit Mining, n’employait pas de cadres français.

Le Burkina Faso n’a pas entamé un processus de nationalisation de ses ressources minières comme mentionné dans le tweet.

Fact-checkeurs

Adnan Salif H. Sidibé

Ange L. Jordan Méda

Editeur

Boureima Salouka