Une publication sur la toile prétend que le gouvernement de la Transition burkinabè a voté une loi qui condamne à « 2 ans de prison et une amende de 3 millions FCFA pour toutes influenceuses qui exposent leur corps sur les réseaux sociaux au Burkina »
Une publication devenue virale sur Facebook et X (Twitter) depuis mi-mars 2024 affirme, affiche à l’appui, que le gouvernement de la Transition burkinabè a pris une décision qui condamne à « 2 ans de prison et une amende de 3 millions FCFA pour toutes influenceuses qui exposent leur corps sur les réseaux sociaux au Burkina ».
L’information circule sur les réseaux sociaux Facebook (1, 2 ), TikTok et Instagram (1, 2 ) mais aussi d’autres sites en ligne (1, 2 ). Selon les auteurs, le président de la Transition, le Capitaine Ibrahim Traoré aurait pris une décision qui punit les web influenceuses burkinabè qui s’exhiberait sur les réseaux sociaux, à une peine d’emprisonnement de 2 ans et une amende de 3 millions de francs CFA. Les mêmes déclarations ont souvent été attribuées aux autorités maliennes.
Le gouvernement de transition burkinabè a-t-il pris une telle décision ? Fasocheck a vérifié.
Une loi inexistante
Fasocheck a consulté plusieurs publications portant sur cette information mais aucune d’entre elles ne mentionne la source.
En poursuivant les recherches sur internet, Fasocheck n’a pu trouver une note officielle ou un nouveau texte juridique spécifique qui évoque une telle mesure nouvellement prise par les autorités burkinabè de Transition pour réglementer le secteur des influenceurs et influenceuses au Burkina Faso.
Fasocheck a contacté Bénédicte Baïlou, députée à l’assemblée législative de la transition et Alidou Tiendrebeogo, substitut du procureur près le tribunal de grande instance de Ouaga II qui ont déclaré ne pas être au courant de l’existence de cette loi.
Fasocheck a aussi contacté le secrétariat général du gouvernement qui a déclaré qu’il n’y pas de projet de loi à ce sujet.
L’exhibition sexuelle dans l’espace public est passible de sanctions
Louis Modeste Ouédraogo, juriste et vice-président du Conseil supérieur de la communication (CSC), institution chargée de la régulation des médias et des réseaux sociaux, a déclaré n’avoir pas connaissance d’un « communiqué de la présidence, ni un communiqué du procureur, ni un communiqué du ministre chargé de l’administration territoriale et de la sécurité qui dit que désormais, on va appliquer cette sanction aux influenceuses qui s’exhiberaient sur les réseaux sociaux. »
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Cependant, dit-il, le code pénal de 2018 modifié en 2019 comporte plusieurs dispositions qui répriment certains comportements pouvant être qualifiés d’atteinte à la pudeur publique.
C’est le cas de l’article 533-1 sur les attentats aux mœurs, qui stipule que « est puni d’une peine d’emprisonnement de trois mois à deux ans et d’une amende de deux cent cinquante mille (250 000) à deux millions (2 000 000) de francs CFA, quiconque commet un outrage public à la pudeur. »
Le Code pénal burkinabè définit l’outrage public à la pudeur comme « toute exhibition sexuelle ou tout autre acte intentionnel contraire aux bonnes mœurs accompli publiquement ou dans un lieu privé accessible aux regards du public, susceptible d’offenser la pudeur et le sentiment moral des personnes qui en sont les témoins involontaires. »
« Cela signifie que si quelqu’un se permet, même si c’est en dehors des réseaux sociaux, de se promener avec une certaine tenue qui peut créer des troubles à l’ordre public, la loi pénale peut s’appliquer sur cette base. », a commenté Modeste Ouédraogo.
« Le fait de s’exhiber sur les réseaux sociaux, nu ou à moitié nu, est un outrage public à la pudeur, parce que les réseaux sociaux sont un espace public. Cela est susceptible d’offenser la pudeur et les sentiments moraux des personnes qui en sont les témoins volontaires ou involontaires », a-t-il poursuivi.
Les nouvelles attributions du CSC encadrent le secteur des influenceurs
La loi N°041-2023/ ALT du 23 novembre 2023 étend désormais les attributions du Conseil supérieur de la communication qui vont désormais de la régulation des médias aux réseaux sociaux.
Même s’il n’y a pas de dispositions spécifiques qui encadrent l’activité des influenceurs sur internet, l’article 3 de la loi susmentionnée stipule que le CSC peut réguler «les contenus des publications de tout site de blogueur, de web- activiste, d’influenceur ou de tout autre internaute disposant d’au moins cinq mille abonnés, amis ou suiveurs en ligne.»
«Il n’est pas exclu qu’à l’avenir, il y ait une loi spécifique qui va encadrer spécifiquement l’activité des influenceurs ou des activistes. Pour l’instant, ce n’est pas encore le cas. Ça ne veut pas dire non plus que pour ces gens-là (influenceurs), tout leur est permis sur internet, car en l’absence d’un texte spécifique, les textes généraux s’appliquent », a précisé le vice-président du CSC.
Conclusion
La déclaration selon laquelle le gouvernement de transition a adopté une loi qui condamne à “2 ans de prison et une amende de 3 millions FCFA toutes influenceuses qui exposent leur corps sur les réseaux sociaux au Burkina” est fausse. Cependant, certains comportements jugés attentatoires à la pudeur publique sont passibles de sanction conformément au code pénal. La loi N°041-2023/ ALT du 21 novembre 2023 attribue désormais au Conseil supérieur de la communication le pouvoir de réglementer l’utilisation des réseaux sociaux au Burkina Faso au même titre que les médias.
Tiomité Da
Yattara Aïcha Mohamed
Fasocheck
Cet article a été produit en collaboration avec BenbereVérif dans le cadre de SahelCheck.